jeudi 27 janvier 2011

Somewhere (Sofia Coppola - 2011)


C'est avec une grande impatience que j'attendais le quatrième pré-supposé chef-d'oeuvre de Sofia Coppola, déjà récompensé à la Mostra de Venise en septembre dernier. Alors évidement, je commençais à saliver sérieusement.
En guise d'amuse-bouche, j'ai bien sûr passer du temps devant sa bande-annonce, une bande-annonce peu bavarde d'ailleurs (mais joliment musicale), qui pourtant en dit long sur le film en lui-même. Parce que si on en croit les dizaines et dizaines d'articles lus à ce sujet, Somewhere serait un peu LE film de sa réalisatrice. L'Hôtel Marmont, la famille Coppola le connaît bien et on ne peut faire qu'une étroite comparaison avec l'enfance de la réalisatrice.

Stephen Dorff
L'Hotel Marmont, je disais donc. C'est à la chambre 59 qu'on y rencontre Johnny Marco, un acteur avec une belle gueule, une grosse voiture qui vrombit dans les rue de Los Angeles, des filles bien roulées à portée de lit, une carrière récompensée jusqu'à Milan, et un room-service à 3h du matin. Johnny incarne pourtant un show-bizz bien morose. Les traits sont tirés, fatigués, les yeux cernés et éteints, les bouteilles de bières s'alignent les unes à la suite des autres et les cigarettes s'entassent dans le cendrier. Tout semble avoir perdu de son éclat, même les lap-danceuses en deviennent presque gentillement ridicules. Il tourne en rond et s'asphyxie dans sa propre vie.
Sa source d'oxygène, Johnny la trouve auprès de Cleo, sa fille de onze ans, dont il partage la garde alternée le dimanche. Et c'est avec sa blondeur lumineuse (comme toutes les blondeures lumineuses des films de Coppola, d'ailleurs. Lux ne signifie-t-il pas la lumière, notament ?) qu'elle va tirer son père de sa sempiternelle gueule de bois. S'ensuit alors une multitudes de jolies scènes tout simples qui s'inspirent des petits instants de bonheur furtifs qu'il faut savoir attraper en vol. Rien de plus. C'est d'ailleurs ce qui fait à la fois la pauvreté du scénario et sa réussite puisque que Coppola n'a jamais rien voulu filmer d'autre. Quand l'abattement rencontre la fraîcheur, cela crée une certaine émotion (faible, certes) reliant un père et sa fille qui s'apprivoisent timidement. La présence de sa fille va cependant avoir un effet à double-tranchant, accentuant un peu plus la prise de conscience de Johnny sur sa situation actuelle. On sent la culpabilité, celle de ne pas avoir été un père assez présent, qui monte, qui monte, et cette incapacité (machiste ?) à répondre à l'appel désespéré de sa fille. Allô Johnny ? Serais-tu au fond du trou ?
Au fond, ce film aurait pu s'appeler "Je m'appelle Johnny Marco et je suis un minable", mais Somewhere est une manière tellement plus poétique de désigner la chose ! Parce que oui, la poésie ne cesse d'être présente tout au long du film, même si parfois, il faut bien le dire, elle peine à surpasser l'ennui qui y règne.


Elle Fanning
Malgré une certaine modification dans la manière de diriger la caméra (quelques plans persistent tout de même à générer la magie Coppola fille), on retrouve encore une fois dans ce film des personnages comme hors du monde, suspendus, cherchant leur route, hésitant encore sur la direction à prendre. La réalisatrice le dit elle-même : "J'aime montrer des personnages perdus, en quête de leur propre identité et dans une période de transition. L'idée de vivre à l'hôtel, c'est vraiment ça : une parenthèse dans la vie normale, un moment de suspension." Alors oui, ça sent le renfermé à plein nez dans ce film. On tourne en rond et on fait des allées et venues, sur le circuit de voiture, dans la piscine ou encore dans les couloirs souvent vides de l'hôtel. D'ailleurs, les quelques jours à Milan qui apparaîssent comme une brèche dans ce quotidien monotone se révèlent pourtant peu concluants, père et fille préférant se confiner à nouveau au numéro 59. Les jours se suivent donc et se ressemblent. Une pointe d'ennui naît même chez le spectateur. Effet réussi pour cette réalisatrice qui parvient à retranscrire parfaitement la situation, jusqu'à parfois nous faire bâiller.

Côté musique, Sofia nous avait habitué a des B.O. qui envoient le pâté - Air, The Strokes, The Cure, New Order, Bow Wow Wow - alors que là, la musique semble presque secondaire. Remarquez, le silence est aussi une manière de traduire l'ennui, mais quand même ! Evidemment, on relèvera Phoenix qui ouvre et ferme le film avec son délicieux Love like a Sunset (quand on s'appelle Thomas Mars est qu'on est le copain de la réalisatrice, ça aide !), et aussi le superbe I'll try anything once de Julian Casablancas, que je me passe en boucle dans les oreilles depuis, pour la très jolie scène de la piscine. Mais à part ça, le patinage sur fond de Gwen Stefani ne m'a pas transporter. Dommage.

Somewhere n'est peut-être pas le meilleur film de Sofia Coppola, mais elle parvient tout de même à mêler encore une fois la poésie et l'émotion, auxquels elle ajoute cette fois la simplicité (exit l'effervescence de Tokyo et de Versailles). Une sorte de retour aux sources, tant au niveau personnel qu'au niveau cinématographique. Faire table rase du superflu.

"- Je ne suis rien... Je ne suis qu'une merde...
- Pourquoi tu ne fais pas du bénévolat ?"